Miṣṣapôn ‘ashan ba’
מִצָּפוֹן עָשָׁן בָּא
Cher tous,
מִצָּפוֹן עָשָׁן בָּא
Cher tous,
Depuis dimanche, les températures ont
baissé et il a même plu abondamment pendant notre pèlerinage à Deir Rafat. Ça y
est, c’est l’automne. En plus avec le changement d’heure, la nuit tombe très
tôt, vers 17h. En fait, il y a une heure de différence avec la France pour
l’heure légale, mais le soleil se lève une heure et quart plus tôt à Jérusalem
(vers 6 heures moins dix en ce moment) et se couche trois quarts d’heure plus
tôt (vers 16h55 en ce moment).
Lundi, la journée a été studieuse. Travail
en bibliothèque, cours avec le Père Gilbert. En début d’après-midi, avant de
quitter le Collège pour retourner à l’École, je croise un groupe de pèlerins
dans l’appartement des Frères ; parmi eux, le P. Alain M., du diocèse de
Strasbourg, qui fut mon condisciple à l’Institut Biblique. Il connaît bien les
Frères puisqu’il a passé deux années de coopération à Jérusalem, avant l’an
2000.
En fin d’après-midi, j’ai participé à des
confessions dans la Basilique de l’École pour un groupe du Val-de-Marne. En soirée,
j’ai mangé à l’hôtel Knight’s Palace avec un groupe de Parisiens, accompagné
par le P. Yvan Maréchal ; après le repas, nous avons eu le témoignage du
P. Rafic Nahra. C’est un prêtre de Paris,
d’origine libanaise et qui depuis une année est curé de la paroisse catholique
latine de langue hébraïque à Jérusalem. Il a évoqué son parcours personnel qui
est rien moins qu’évident : imaginez un Libanais qui parle hébreu et vit
en Israël ! Je passe devant chez lui plusieurs fois par jour puisqu’il
habite dans la rue par laquelle je me rends à l’École…
Mardi matin, matinée avec une heure
d’histoire du Proche-Orient ancien. On est resté pour l’instant dans des
périodes pré-historiques : paléolithique, néolithique… Quand vous êtes
allés à l’école, on a dû vous parler de la “révolution néolithique” pour dire
que le passage du paléolithique au néolithique avait été très rapide. Dans le
Proche-Orient ancien, ce passage a été très lent (4 000 ans !) pour
passer de sociétés (semi-)nomades à sédentaires, de moyen de subsistance basés
sur la prédation (on utilise ce qu’on trouve dans la nature : on chasse et
on cueille) à des moyens de productions (on exploite par l’élevage et
l’agriculture). Tout ça s’est passé il y a un peu plus de 10 000 ans. Au Proche-Orient, cette période de transition vers le néolithique est nommé Natoufien, du wadi en-Natuf qui est le lieu où l'on a identifié pour la première fois cette période. C'est en Cisjordanie, coincé entre deux colonies israéliennes, à 28 km au nord-est de Jérusalem.
Ensuite, préparation de la visite de
l’après-midi au nord de la Vieille Ville. On a énormément parlé du troisième
mur et de son tracé. Le troisième mur, qu’est-ce que c’est ? C’est Flavius
Josèphe (encore lui !) qui en parle dans la Guerre des juifs. À l’époque
de Jésus, il y avait deux murs et le Golgotha de l’évangile se situait hors du
deuxième mur. Mais une quinzaine d’années après la mort et la résurrection, la
ville s’était agrandie et on a bâti un troisième mur au nord de la Ville. Les archéologues et historiens n’ont jamais
réussi à s’accorder sur le tracé de ces deux murs… La question centrale, c’est
de savoir si le site du Saint-Sépulcre était hors du deuxième mur ou non à
l’époque de Jésus et donc s’il est un sanctuaire crédible… Selon la lecture que
l’on fait de Flavius Josèphe, on peut comprendre l’une ou l’autre des options…
Certes, on a retrouvé au nord de l’École Biblique d’énormes blocs de pierre qui
forment une ligne, assez stratégiquement dessinée puisqu’on ne peut au-delà de
celle-ci mettre une machine de siège efficace. Mais certains historiens
affirment qu’il s’agit d’un “quatrième” mur, bâti à la hâte par les
juifs peu avant le siège de Jérusalem par Titus en 70. Mais la taille des
pierres rend peu vraisemblable cette affirmation : jugez vous-mêmes !
En plus, Flavius Josèphe lui-même dit que « par leur ajustement et leur
beauté, les pierres [du troisième mur] ne différaient pas de celles du
Temple » (Guerre des juifs, V,4,3).
Version mini du troisième mur ; il correspond à la muraille actuelle |
Version maxi du troisième mur ; la muraille actuelle est en gris clair |
L’après-midi, nous avons commencé notre
promenade archéologique par les vestiges de ce fameux troisième mur.
Honnêtement, les pierres sont convaincantes mais pas du tout mises en valeur…
On le retrouve entre deux bennes à ordure débordantes et un container à
bouteilles en plastique (la seule chose qu’on recycle dans le pays).
Pierre du troisième mur |
Puis un
bref regard sur un monument non identifié maintenant caché par la gare routière
située devant l’École. Passage à la fameuse Garden
Tomb, vénérée par beaucoup de protestants comme le tombeau de Jésus. C’est
le général Gordon (dit “de Khartoum”) qui a identifié en 1883 cette tombe comme
celle dans laquelle Jésus a été enseveli. Il avait reconnu dans la colline
voisine la forme d’un crâne. Le général Gordon était un bon guerrier et comme
tous les anglais de l’époque, il se piquait d’archéologie. Dans l’article de 1885
où il parle de la “Tombe du Jardin”, il prouve aussi que le paradis terrestre
se trouve aux Îles Seychelles… No comment.
Nous avons ensuite passé un petit moment
à la Porte de Damas, la grande porte nord de la Vieille Ville actuelle. Des
fouilles archéologiques ont montré qu’elle était bâtie exactement sur le plan
de la Porte du Pilier, édifiée à l’époque de l’empereur Hadrien lorsque
Jérusalem fut rebaptisée Ælia Capitolina.
Le problème est que lorsqu’on regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit aussi qu’avant
d’être romaine (+135), la porte fut hérodienne. L’aspect des pierres ne laisse
aucun doute là-dessus, ce qui laisse penser que le deuxième (ou le troisième)
mur pour certains, passait là.
À côté, nous sommes brièvement passés
dans les carrières de Salomon : un immense réseau creusé à l’âge du Fer (1200-700
av. J.-C.) pour extraire des matériaux de construction. Salomon a pu s’en
servir mais rien ne l’atteste… À la fin du xixe
siècle, les francs-maçons s’y réunissaient pour des cérémonies d’initiation
puisqu’ils considèrent Salomon comme leur fondateur (!)
Passage bref sous le collège des Frères
pour, admirer les restes de la Tour de Tancrède, sur laquelle le Collège est
bâti. Il y a cent ans, on croyait que les vestiges sous le Collège étaient ceux
d’un fort de Jean Hyrcan (134-100 av. J.-C.) ainsi que ceux de la fameuse
tour Pséphinos (ou Pséphina) dont parle… devinez qui ? Flavius Josèphe,
bien sûr ! Mais aussi Chateaubriand dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem.
En fait, le site de la tour Pséphinos est
un peu plus au nord, vraisemblablement sous la cathédrale russe, dans
l’alignement des vestiges du troisième mur que nous avons vu en début
d’après-midi. Nous avons terminé la promenade archéologique à la piscine
Mamilla, hors de la Vieille Ville, qui faisait partie du système d’alimentation
en eau de Jérusalem. Aujourd’hui, elle est au milieu d’un cimetière musulman à
l’abandon. C’est dans ce coin que je vais courir parfois le soir.
Mais la journée n’était pas finie… Nous
avions aussi une visite au musée d’Israël qui est ouvert en “nocturne” le mardi
(de 16h à 21h). Le mot “nocturne” est à peine exagéré puisqu’à 17h le soleil
est déjà couché.
Rapide regard à la maquette de Jérusalem
à l’époque de Jésus, puis nous sommes allés visiter les galeries
archéologiques. Elles sont présentées chronologiquement ; c’est Rosemary
notre professeur d’histoire qui nous a guidés du Paléolithique jusqu’au
Chalcolithique.
On a vu des silex, des squelettes, de la vaisselle en pierre et
seulement vers la fin des objets en terre cuite et en métal… Pendant très
longtemps, le seul élément utilisé par l’homme, c’était la pierre… Cela
n’empêche pas d’avoir des objets très sophistiqués. Nous avons vu une tombe où le squelette de femme a été enterré avec des carapaces de tortues, un os d'aigle, une queue d'auroch, des crânes de martres... On a passé deux heures dans
le musée ; on n’a visité que trois salles mais c’était passionnant. En
repartant, je suis passé voir une expo un peu intello mais j’ai vu des crânes
plâtrés et un os hyoïde de néandertalien (l’os qui est placé à la base de la
langue, dans le larynx et permet le langage articulé).
Retour à pied au Collège sous la
pluie : heureusement le frère Miguel m’avait prêté un parapluie. Je suis
arrivé tout juste pour le repas ; j’étais vanné. En attendant l’ascenseur,
j’entendais dans la salle voisine la musique techno du cours de zumba des mamans d’élèves… Je n’aspirais
qu’à un peu de piano…
La journée de mercredi a paru bien calme
et monotone en comparaison. Rien à signaler…